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Interview de Tillandsia 

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Pésentez-vous en quelques lignes 

 

« Il faut travailler beaucoup, une tonne de passion et cent grammes de patience » écrivait Nicolas de Staël.

 

    Ma peinture est à mon image. Les quatre mots qui représentent le mieux mon œuvre sont : Couleur, Matière, Voyage et Tempérament. Développant une recherche approfondie sur la couleur, la matière et l’équilibre de la composition, mes œuvres s’inspirent des cultures du monde, des civilisations anciennes et de mon amour de la nature.

     Au-delà des outils physiques que sont le pinceau, le couteau, la peinture et la toile, je me sers avant tout de mon vécu pour réaliser mes tableaux. D’aucuns sont le fruit d’une réflexion poussée, d’une observation méthodique. D’autres expriment un tempérament, un ressenti où se retrouvent gourmandise et sensualité.

   

    L’étude des œuvres des grands maîtres, modernes comme anciens, est pour moi un puits d’inspiration. Au travers de mouvements singuliers et de l’énergie que mes tableaux dégagent, toute une symbolique onirique et historique vise à faire voyager - dans l’espace et dans le temps - celui qui les regarde.

    La matière, formée par le mélange de peinture à l’huile et de sables venant de mes différents voyages à travers le monde, donnent du relief à la toile et marque le lien singulier que j’entretiens avec la terre. Cette matière n’est pas sans rappeler les vestiges grecs, byzantins et mésopotamiens.

    Tous mes sens sont sollicités lors de la réalisation de mes œuvres : mon œil est affuté et sans répit, mon affect est envahissant et guide mes transes créatrices. La synthèse qui en découle est telle une écriture qui ne s’épluche pas, formant un Tout où chacun peut puiser, cueillir, se nourrir.

 

 

Présentez et décrivez une de vos œuvres 

 

 

 

 

 

    Si je garde toujours une tendresse et une émotion particulières pour l’histoire d’une autre de mes œuvres, je souhaite mettre en avant le caractère d’une de mes dernières toiles. Il s’agit de Vajra, mot sanskrit signifiant « diamant » et désignant la nature indestructible de l’éveil.

 

    C’est une huile sur toile de petite taille issue de ma dernière série. Le cheminement de ce travail a été très spontané. En émanent des tons de terre, de sous-bois, de turquoises lumineuses, des tonalités enlacées et structurées avec force, en quête d’intimité, aux rythmiques zen et aux gestes simples.

 

Quel regard portez-vous sur le monde de l'art en France ?

 

    Le marché de l’art s’est mondialisé et est devenu davantage affaire de spéculation que de goût dans un monde où les artistes doivent adopter les codes du star-system pour exister et se vendre.

La France n’a pas su ou n’a pas voulu jouer ce jeu, mettant peu en valeur ses artistes contemporains, occasionnant une perte de prestige de la peinture française. On assiste à un déclin de la notion d’œuvre d’art au profit de « l’art conceptuel. »

    Bien que souvent dénué de sens profond, l’art conceptuel n’en demeure pas moins le fruit d’un travail et d’une réflexion d’artistes qui prennent des risques et qu’il convient de respecter. Ce vide, cette perte de repère, ce mal-être est caractéristique de notre société.

    L’art s’est abaissé tandis que sa vocation première, son essence même, est de nous tirer vers le haut. L’importance de l’art est l’ouverture d’esprit qu’il apporte.

 

     La France ne tient plus le haut du pavé en ce qui concerne le marché de l’art international. En 2016, seuls 15 artistes Français figuraient dans le classement des 500 artistes ayant réalisé les plus hauts montants d’adjudication. Un certain snobisme anti-Français s’est installé. Notre pays garde cependant de nombreux atouts, à l’instar des ventes de voitures de collection, de BD, de photographies, de design. La fiscalité demeure un frein supplémentaire non négligeable, encourageant artistes et collectionneurs à privilégier les plateformes internationales.

 

Quelle est votre œuvre connue préférée ? Pourquoi ?

 

   

 

 

    Mon œuvre préférée est La Petite Bohémienne de Boccaccio Boccaccino l’Ancien (ca 1465 – ca 1525), huile sur bois de petite dimension (24 x 19 cm), réalisée vers 1505 et conservée à la galerie des Offices à Florence. Cette œuvre me subjugue par ce qu’elle dégage : tons raffinés et tonalités ardentes. On dit souvent des yeux qu’ils sont le reflet de l’âme ; ici, nous sommes comme envoûtés par ces yeux clairs et transparents qui nous font découvrir une intériorité d’une profondeur rare. En contemplant cette œuvre, nous rejoignons une atmosphère intimiste dans une synergie évidente, rencontre de deux solitudes et d’une sagesse réfléchie. La grandeur de cette œuvre réside dans son humilité. De sa petitesse émane une force que je n’ai retrouvée nulle part ailleurs.

 

Comment avez-vous commencé à peindre ?

    Je vis et respire l’art depuis toujours. La question ne se pose pas tant c’est pour moi une évidence, étant née de deux parents artistes et passionnés. Ma mère, la Comtesse Gérard de Saint Simon, dite Shoukie, était portraitiste et peintre figurative. Elle fut formée durant sept années à l’académie Julian. Mon père, Louis Goldenberg, dit Goldaine, était journaliste, photographe, graphiste et peintre abstrait et figuratif. Tous deux ont été pour moi des commentateurs avisés, portant un regard constructif et stimulant. Xavier Brebs (1923-2013), ami proche de mes parents, a contribué au développement de mon travail au travers de sa simplicité et de son dépouillement. M’ayant accompagnée et soutenue dans mes réflexions, son empreinte peut se retrouver dans certaines de mes récentes œuvres.

 

Si vous pouviez changer une chose dans votre parcours artistique, laquelle serait-ce ?

    Un parcours artistique est souvent semé d’embûches. Le mien fut riche de rencontres déterminantes avec des peintres et intellectuels confirmés, ce qui fut propice au développement de nombreuses techniques. Ce long cheminement aboutit au choix de la noblesse et du puissant parfum de la peinture à huile.

    « La littérature, comme toute forme d’art est l’aveu que la vie ne suffit pas. » écrivait Fernando Pessoa. Allonger le temps aurait été un de mes souhaits car lorsque je me trouve face à mon chevalet, l’horloge disparaît, le temps brûle. Ces instants de travail peuvent être extatiques ou, a contrario, engendrer de véritables descentes aux enfers parsemées d’angoisse et de doute. L’enjeu est d’alléger cette souffrance propre à l’artiste tout en gardant mon moteur créatif. Comme le soulignait Redon : « L'artiste vient à la vie pour un accomplissement qui est mystérieux. Il est un accident. Rien ne l'attend dans le monde social »

    Mon antidote ? Méditer avec Léonard de Vinci sous un arbre ombragé du Clos-Lucé, déguster un grand cru avec Georges de La Tour à la lumière de ses chandelles, me balader avec Sisley sur les bords de la Marne, admirer Cézanne à l’œuvre au pied de la montagne Sainte-Victoire, déranger Serrusier croquant ses bretonnes, pique-niquer avec Manet et rendre visite à Monet m’attendant avec un consommé à Giverny…

 

Quelle est l'époque de l'histoire de l'art qui vous fascine et inspire le plus ?

 

    Eclairée par mes ascendants, l’art ancien reste une source d’inspiration permanente, une émulation. Toutefois, je suis bien dans mon siècle ! L’époque que j’affectionne le plus est la première moitié du XXe siècle, période où tant de génies, tant de mouvements ont émergé, de l’expressionnisme allemand à l’art abstrait. Un essor considérable d’expositions temporaires qui par leurs nombres et leurs diversités informent de l’évolution de ce nouveau champ académique.

 

    J’admire les brillants artistes que sont Kandinsky, Braque, Poliakoff et marque un enthousiasme particulier pour l’œuvre de Nicolas de Staël. Je partage avec ce dernier l’obsession de la couleur, celle qui claque, qui vibre. Sa texture granuleuse des pigments à certains endroits, par l’ajout de sables mélangés à l’huile, accentuent une dimension tactile comme habitée par un corps.

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